Par le biais d'internet, vous expliquez avoir développé une relation avec un homme pour lequel, au fil des mois, vous avez éprouvé des sentiments très forts sans jamais l'avoir rencontré. Cet homme s'est avéré en réalité être une femme et vous souhaitez connaître les recours possibles afin d'éviter que cette personne nuise à nouveau.
Votre message nécessite deux réponses : une explication psychologique et une explication juridique.
Vous avez été victime d'une manipulation mentale. Il s'agit d'une emprise exercée sur une personne ou sur tout un groupe afin d'avoir un contrôle sur les agissements et/ou les sentiments de ces derniers. Celui ou celle qui utilise la manipulation sur les autres à outrance, dénote une structure de personnalité perverse.
Ceux qui manipulent mentalement les gens savent instinctivement utiliser les bons mots pour rassurer ou séduire, ils utilisent même souvent la répétition de ces paroles sécurisantes afin d'avoir un ascendant total sur l'individu. Bien sûr, cette manipulation est totalement dissimulée : la victime n'a pas conscience d'être sous emprise. Le manipulateur agit généralement sur une corde sensible qu'il a su repérer au préalable et va se servir de cela pour jouer avec les émotions de l'autre : susciter l'attachement à travers une séduction contenue qui va évoluer au fur et à mesure vers le dévouement, puis va modifier son comportement par des changements d'humeur brutaux afin de tester la dévotion de sa/ses victime(s) et agir sur la culpabilité.
Voici donc la définition générale de la manipulation.
Essayons maintenant d'analyser le comportement de cette femme qui s'est fait passer pour un homme durant deux années consécutives.
Sur internet, il est très fréquent que des internautes mentent sur leur identité sexuelle et se fassent passer pour des personnes du sexe opposé. Cela porte un nom : le «Gender Bending » (que l'on peut traduire approximativement par « retournement de situation »). Il s'agit d'une sorte de travestissement en ligne qui est bien plus courant chez les hommes que chez les femmes.
Ces personnes expérimentent ce camouflage pour différentes raisons : gagner la confiance d'un contact, se sortir d'un contexte étouffant et frustrant, accéder à la vie intime de leurs interlocuteurs ou encore, pour supporter une sexualité mal assumée dans la vie réelle. A travers cette autre identité, celui ou celle qui pratique le Gender Bending exprime un certain mal-être empli de doutes, d'angoisses et aussi de complexités.
Cette personne est manifestement en souffrance. Il ne s'agit pas de prendre sa défense ou de lui trouver des excuses, mais il s'agit surtout de vous faire comprendre que vous n'êtes pas la coupable de cette histoire. Par rapport à ce qui vous est arrivé, il est possible que vous remettiez tout en question, que vous vous interrogiez trop sur le comportement que vous avez eu avec cette femme ce qui peut traduire un questionnement total sur votre propre identité sexuelle. Or, le problème ne vient pas de vous mais de votre interlocutrice. Vous avez cru être en osmose avec un homme, car c'est ce que l'on vous a fait croire. Il est effectivement très douloureux de découvrir que la personne pour laquelle il y a eu la confiance et le plaisir, n'était pas celle qu'elle prétendait être, mais il est important que cette grave déception n'interagisse pas sur toute votre vie sentimentale. Vous êtes jeune et vous allez aimer de nouveau mais pour cela, il faut vous libérer de cette histoire qui vous fait peut-être penser inconsciemment que vous serez trahie à chaque fois que vous rencontrerez quelqu'un.
Vous dites suivre une thérapie, ce qui est un excellent début pour repartir sur de nouvelles bases, mais à travers votre message, nous pouvons sentir un manque de confiance en vous : pourquoi cette carence d'assurance ? Travaillez-vous cela avec votre psychologue ?
Concernant l'aspect juridique, il vous faut attendre la réponse du procureur de la République qui peut décider :
- de convoquer cette femme au tribunal
- ou de classer le dossier sans suite par manque de preuve ou d'éléments permettant la mise en place d'une enquête
Difficile aussi d'invoquer l'usurpation d'identité, car votre affaire ne rentre pas dans ce type de classification. En effet, actuellement le code pénal se base sur deux infractions :
- l'usurpation d'une fonction (se faire passer pour un policier par exemple)
- l'usurpation d'identité en prenant le nom d'un tiers et en se faisant passer pour cette personne dans un but malveillant (notamment sur internet)
Ces deux infractions sont punies de 5 ans d'emprisonnement et de 75.000 € d'amende.
En France, sont condamnés ceux qui font une intrusion informatique dans le but de réaliser une escroquerie ou un cyber-sabotage envers une entreprise.
Dans votre cas il n y a pas eu de rencontre, donc pas d'infraction réelle, sauf si vous avez été escroquée (manipulée pour envoi d'argent, demande d'informations sur votre identité, numéro de sécurité sociale, carte bleue, etc...)
Le terrain juridique définissant l'identité sous la forme numérique reste très flou. Pour vous, il s'agit d'une tromperie d'identité sexuelle qui s'étend à un pseudonyme, une adresse e-mail et un téléphone. Aucun texte de loi ne puni cela, sauf si le contact virtuel veut faire en sorte que vos conversations débouchent sur une rencontre réelle mise en place pour préparer un enlèvement, une agression ou un vol.
Le plus important pour vous est de vous retrouver, de gagner en confiance et surtout de bien intégrer le fait que vous n'êtes pas responsable de ce qui s'est passé. Ne vous remettez pas VOUS en question. C'est à la personne qui a agit de la sorte avec vous, qui doit travailler sur sa problématique personnelle.
Néanmois, nous avons transmis votre message à la Division de lutte contre la cybercriminalité. Peut-être auront-ils un autre avis à nous donner.
En espérant que cette réponse vous éclairera sur certains points.
Très cordialement.
Sylvia Bréger.